Le Roi Soleil - Le retour
- Caroline

- il y a 26 minutes
- 12 min de lecture

Spectacle de Dove Attia et Kamel Ouali
Année : 2025
Pays : France
Cast d'origine : Emmanuel Moire (Louis XIV), Lou Jean (Marie Mancini), Clara Poulet (Mme de Maintenon), Margaux Heller (Mme de Montespan), Louis Delort (Monsieur, le frère du Roi), Flo Malley (Le Duc de Beaufort), Vanina Pietri (Isabelle, la fille du peuple), Claude Pierron (Anne d'Autriche/La Voisin), François Feroleto (Mazarin/Molière)
En bref
Après un mouvement populaire réprimé par le Cardinal Mazarin et la Reine Anne d'Autriche, Louis XIV est amené à monter sur le trône. Peu enclin aux affaires de l'Etat, le jeune roi apprendra l'amour auprès de Marie Mancini dont il devra se séparer pour épouser l'infante d'Espagne. Au fil du temps, il collectionnera les maîtresses dont la sulfureuse Mme de Montespan qu'il finira par désavouer au profit de celle à qui il a attribué le titre de Mme de Maintenon.
Mon avis
Le temps est à la nostalgie et après Roméo et Juliette puis Notre Dame de Paris ou encore Starmania, c’est désormais le Roi Soleil qui signe son grand retour. Quand on me demande quels sont mes spectacles préférés, forcément, le Roi Soleil est une réponse qui me vient spontanément à l’esprit. C’est un spectacle qui a eu une grande importance dans ma vie et dans ma construction personnelle. J’ai vécu de très belles choses et fait de jolies rencontres ; la vie est passée par là et les chemins ont fini par se séparer avec certaines personnes mais d’autres sont toujours là, 20 ans plus tard et le seront encore certainement dans 20 ans. J’ai énormément de tendresse quand je repense à cette époque et ce show est intrinsèquement lié à tous ces beaux souvenirs. L’annonce du retour m’avait laissé un sentiment ambivalent, j’étais à la fois ravie de pouvoir rouvrir un livre dont je pensais qu’il était fermé pour de bon, mais en même temps, j’étais un peu anxieuse de voir ce qu’il en serait fait et j’avais peur que ce ne soit pas à la hauteur de mes souvenirs. Je ne suis pas opposée par définition à des évolutions et des changements, j’avais adhéré à la plupart de ceux qui avaient été faits sur R&J par exemple. Quand un spectacle revient si longtemps après sa première production, on pourrait penser que c’est l’occasion de rectifier le tir sur un certain nombre de choses et de corriger quelques faiblesses du matériel de départ. De fait, on observe pas mal de changements, mais pas forcément pour le mieux.
!!! Cet article contient des spoilers !!!

Le choix a été fait par la production de repartir pour cette version avec un nouveau cast de A à Z à l’exception du rôle titre. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre sur les réseaux sociaux et chez les fans. Il était utopique de penser que cela aurait pu être autrement. Si personne ne renie son passage par ce spectacle, plusieurs des artistes originaux ont évolué dans des directions différentes et avec toute l’admiration que j’ai pu avoir pour eux à l’époque et le respect que j’ai encore aujourd’hui, très objectivement, certains n’ont plus les capacités vocales pour assurer leur rôle de l’époque à l’heure actuelle, même si beaucoup refusent de l’entendre. A mon sens, le retour d’Emmanuel est une énorme prise de risque. A l’instar de ce que j’avais écrit à l’époque pour la version 2010 de R&J qui voyait revenir Damien Sargue et Tom Ross avec un tout autre cast, c’est un procédé à double tranchant. Bien sûr, un visage familier va renforcer le côté nostalgie et inciter le public à prendre des billets, mais c’est aussi donner le bâton pour se faire battre et s’exposer de façon encore plus dure à l’inévitable comparaison, car on ne peut plus justifier de trop gros changements par « oui, mais c’est une toute nouvelle version complètement revisitée ». Donc ne vous attendez pas à ce que je n’établisse pas de comparaison dans cet article, c’est le propre des revivals et encore plus dans ce cas selon moi.
Dès l’arrivée dans la salle, on se retrouve face non plus au mythique rideau rouge, mais à une version bleu nuit, qui, si elle reste au demeurant très jolie, est bien moins chaleureuse que l’ancienne. A ce moment là, je ne le sais pas encore, mais c’est à l’image de tout ce que va être le reste du spectacle. L’heure de début approche, la pression monte, les musiciens commencent à venir jouer dans la salle. L’annonce pré-show de Dove Attia retentit et la musique démarre. L’émotion est au rendez-vous, la musique faiblit et Molière apparaît …
« Ah la la mais ça va pas du tout ma chérie !!! » L’émotion retombe d’un coup violent devant le costume dont le pauvre François Feroleto est affublé. J’avais vu passer des choses sur les réseaux, je savais que ça allait être compliqué avec les nouveaux costumes mais là, cet espèce de truc orange et vert fluo, je ne peux pas, c’est juste pas possible. La pilule est dure à avaler et ce n’est pas fini. La Fronde démarre dans le public, à l’image de la précédente version. Les regards sont tournés vers la salle, et quand les artistes se mettent en mouvement pour revenir sur scène, le deuxième coup de massue arrive devant les décors, ou plutôt l’absence de décors.
Car ce sont pour moi les deux points noirs majeurs de cette mouture 2025. Je n’ai pas grand-chose à dire de positif au sujet des nouveaux costumes, à l’exception d’un ou deux. On est très loin de la finesse, de la classe et de la magnificence de ce que Dominique Borg et son équipe avaient pu produire (oui, OK, à l'exception du costume de Vice Versailles de Christophe...). Quand je pense à Versailles, je pense à de beaux tissus, des broderies, des dorures, des couleurs intenses mais certainement pas à des robes grises tristes ou a contrario des couleurs criardes, associées entre elles de façon un peu hasardeuse. Il y a quand même quelques jolies pièces comme la robe dorée de Marie Mancini, les costumes de Mme de Montespan ou même le costume de Monsieur sur le tableau « A qui la faute ». Pour le reste, pour moi, ça ne fonctionne pas mais c'est comme la mode, c'est hyper subjectif. Je ne doute pas qu'il y ait un travail colossal derrière tout ça et je le respecte mais ce n'est pas ce que j'attendais pour ce spectacle.
Même constat du côté des décors, ou plutôt de l’absence de décors. Comme sur de nombreuses productions de nos jours, tout a été misé sur des écrans LED , tant en fond de scène que sur les énormes colonnes mobiles. Sur certains tableaux, ça va très bien fonctionner car la vidéo est d'excellente qualité, j’ai même lâché un petit « wow » sur Etre à la hauteur et j’aime beaucoup l’effet produit lors du final. Mais sur la plupart, ça fait juste super vide et froid, surtout quand les écrans sont éteints, ne laissant que la carcasse de type cage et les câbles apparents. Le trampoline des Mignons a disparu, de même que la petite structure à laquelle ils s’accrochaient pour voler sur « Ca marche », remplacée par une grande plateforme carrée plus polyvalente et qui permet plus de choses, mais qui fait un bruit parasite assez désagréable quand elle monte et descend. Globalement, étant assise au premier rang, j’ai trouvé que tout était fort bruyant en coulisses. Je ne sais pas si c’est parce que tout le monde cherche encore ses marques puisque c’est le début de l’exploitation, mais entre les bruits de la machinerie, ce qu’on déplace et les éternuements intempestifs, ça demandait un petit effort pour rester dans le spectacle et de ne pas se laisser distraire par tout ça.

Pour l’essentiel, la mise en scène reste assez fidèle à l’originale. Les chorégraphies ont été retravaillées, pour s’adapter j’imagine à un ensemble moitié moins nombreux qu’à l’époque, mais on retrouve avec plaisir des éléments incontournables qui nous ramènent 20 ans en arrière. Avec l’amie avec qui j’étais, nous nous sommes un peu étonnées de constater une forte diminution du nombre de danseurs (19 VS 29 à l’époque). Cependant, cela se ressent moins que je ne l'aurais cru. L’exigence de Kamel aboutit toujours au choix d’artistes très talentueux et ce n’est pas les danseurs de cette nouvelle version qui démentiront cette habitude. Ils forment un ensemble cohérent, mais chacun avec sa personnalité, c’est un plaisir de les voir évoluer.
De nombreuses modifications ont été faites au niveau du livret, même si rien de majeur. Pour la plupart d’entre elles, je les trouve plutôt judicieuses. Je pense notamment au début du second acte, qui assure une meilleure continuité avec le premier. Les deux nouvelles chansons à propos desquelles j’étais si sceptique s’intègrent parfaitement au reste. Musicalement, ça ne détonne pas autant que je l’aurais cru et narrativement, elles ont un réel intérêt. La nouvelle scène entre le Roi et Anne d’Autriche est intéressante mais la fin tombe un peu à plat, comme si on ne savait pas trop comment la terminer. Le changement de paroles sur « Encore du temps » est probablement ce qui est le plus déstabilisant pour tous les fans qui, comme moi, ont rayé le CD de la version originale à force de l’écouter. Si vocalement, j’avais toujours été une fervente partisane d’avoir fait intervenir le personnage de Marie sur ce morceau à l’origine chanté uniquement par Isabelle, d’un point de vue scénaristique, faire se retrouver la nièce du Cardinal, même si elle est une roturière, et une fille du peuple, c’était difficilement explicable. Les nouvelles paroles tentent de justifier ce twist, mais ça pourrait être plus convaincant.
D’autres choix me laissent plus perplexe, comme la danse de Louis et Marie, l’interruption brutale d’ « Où ça mène quand on s’aime » que j’ai trouvée hyper maladroite et l’intermède karaoké du second acte, pour moi sans intérêt. Comme on dit parfois, « le mieux est l’ennemi du bien », et à vouloir parfaire le truc, ils ont peut être été un peu trop loin sur certaines choses qui n’étaient pas indispensables mais globalement, la majorité des ajustements fonctionnent assez bien et apportent de la cohérence au récit.
Passons au nerf de la guerre, qui a créé tant de tensions (et qui continue à en créer) : le casting. Si il y a bien un point sur lequel je suis allée voir le show l’esprit hyper ouvert, c’est celui là. En France, nous avons tendance à être hyper matrixés, à associer un rôle à un artiste et à ne pas en démordre. J’ose penser qu’aller voir plusieurs fois certains spectacles avec des interprètes différents en Angleterre ou aux Etats Unis m’a apporté l’ouverture d’esprit suffisante pour accueillir différentes propositions (bon après, on n’est pas obligés de tout aimer, mais il faut au moins donner leur chance aux gens). J’ai suivi avec attention les différentes annonces, certaines ayant suscité un peu d’étonnement ou de scepticisme mais j’attendais de voir sur pièce avant d’émettre un quelconque avis.
Comme nous tous.tes qui étions là à l’époque, Emmanuel Moire a désormais 20 ans de plus et a enrichi son jeu grâce à toutes les expériences acquises entre temps. Son Louis XIV est moins linéaire, plus humain, même si peut être parfois un peu trop ; autant j’ai aimé voir plus de sentiments sur la version « jeune » du premier acte, autant le Louis du second acte appelle selon moi un côté plus intraitable et moins geignard. Vocalement, Emmanuel est là et bien là, aucun doute là-dessus, et c’est un plaisir de le retrouver.
Dans la catégorie « big shoes to fill », le rôle de Monsieur est tout en haut de la pile. Comment passer derrière Christophe Maé, qui a marqué si profondément le rôle de son grain de voix si particulier et de sa folie ? Il semblerait que Louis Delort ait trouvé la recette! Je ne cacherai pas que c’est probablement l’annonce qui m’a laissée la plus perplexe, même si j’avais eu un aperçu de sa polyvalence sur Starmusical. Et pourtant, à peine une minute de sa première chanson écoulée, et il tenait déjà l’entièreté du Palais des Sports dans le creux de sa main (oui, team PDS pour toujours et à jamais, je ne me ferai jamais au « Dôme de Paris »). Il embrasse le personnage à bras le corps, sans concession ni retenue. Il propose sa version, est très drôle et les duos avec Emmanuel ou Margaux fonctionnent bien. Vocalement, là non plus, il ne tombe pas dans le piège de l’imitation et fait les choses à sa sauce même si ça manque peut être un peu d’agilité dans les aigüs. Personnellement, j’adhère à sa version sans réserve !
Pour clore le casting masculin, Flo Malley se glisse dans le manteau en cuir du Duc de Beaufort, dont les chansons ont toujours fait partie de mes préférées. J’aime énormément son grain de voix et ses magnifiques graves, mais j’ai l’impression que parfois, les chansons sont un peu hautes pour lui et il doit passer en force. Et très subjectivement, je préfèrerais parfois un peu plus de simplicité, moins de vibes et de riffs, mais ce n’est qu’un avis très personnel.
L’harmonie avec Vanina Pietri dans le rôle d’Isabelle est très belle, leurs voix s’accordent très bien je trouve. C’est assez drôle de se dire que ce que j’ai écrit pour Flo, je pourrais le réécrire mot pour mot pour Vanina. Après, à l’exception peut être de Louis, je pense que c’est eux qui ont le plus de pression sur leurs épaules de reprendre ces rôles. Contrairement aux autres, Merwan Rim et Victoria Petrosillo n’ont jamais vraiment quitté la sphère de la comédie musicale et reprenaient encore récemment les chansons du Roi Soleil dans la tournée des Comedies musicales, le grand show. Les gens s’attendaient de toute évidence à les voir rempiler. A ce titre, le flou qui a été entretenu (volontairement ou non) pendant longtemps sur les réseaux sociaux avant de dévoiler que le casting hors Emmanuel serait à 100% inédit a certainement porté préjudice bien plus à Vanina et Flo qu’aux autres et j’ai eu le sentiment que ce sont leurs annonces qui ont été les moins bien accueillies. Dans ces circonstances, je pourrais comprendre qu’on cherche à tout prix à faire ses preuves et à se démarquer autant que possible et ça expliquerait un certain nombre de choses. Après, peut être que je suis à côté de la plaque et que ça n’a rien à voir et que c'est juste leurs styles respectifs desquels je ne suis pas spécialement familière. Quoi qu'il en soit, l'un comme l'autre sont de superbes artistes, j'ai hâte de les revoir dans quelques mois quand ils auront plus pris leurs marques avec leurs rôles respectifs !
Je n’ai pas grand-chose à dire sur Lou dans le rôle de Marie Mancini. Lou chante très bien, elle joue bien aussi, je n’en demande pas plus. Le personnage n’a jamais été bien consistant, on ne peut pas faire de miracles.

Mon personnage préféré a toujours été celui de la Montespan, j’avais même lu une biographie complète à l’époque. J’ai trouvé Margaux Heller sublime dans ce rôle. La nouvelle chanson donne plus de corps au personnage et apporte une nuance bienvenue dans l’interprétation.
Si il y a bien un flambeau que les gens vont avoir du mal à voir passer, c’est probablement celui de Mme de Maintenon car si les autres personnages n’ont pas vraiment changé, il en est autrement pour celui interprété désormais par Clara Poulet. Vocalement, le timbre de Clara est hyper différent de celui de Cathialine Andria, on n’aime ou on n’aime pas. Personnellement, ce n’est pas le genre de voix qui me fait vibrer mais on ne peut pas nier qu’elle a une identité vocale bien distincte de celle des autres chanteuses, et les harmonies sont jolies (celle de « La vie passe », j’aime tellement !!). Je trouve que sa voix ressemble fort à celle de Claire Pérot, ce qui est assez drôle puisque Claire avait été en lice jusqu’au bout pour le rôle dans la production initiale, avant que Dove ne l’écarte car il la trouvait trop jeune. Ceci dit, ça montre que c’était ce type de voix qu’il recherchait à l’origine pour ce personnage. Côté acting, la Mme de Maintenon qu’elle interprète est fort différente de l’originale. Là où Cathialine incarnait une femme douce, humble, sans une once de malice, Clara amène un côté plus mutin, plus impertinent, un poil plus calculateur. Choix personnel ou direction d’acteur, j’aurais tendance à partir sur la seconde option, compte tenu du changement de dialogue lors de la scène du salon de Scarron, qui montre selon moi la volonté des auteurs de partir dans cette direction. On sort du schéma manichéen gentille Maintenon VS méchante Montespan qui m’a toujours fait grincer des dents, donc ça ne me déplaît pas forcément, mais je peux entendre que ça puisse crisper les fans de la première heure (et au vu des retours que je peux avoir jusque là, c’est clairement le cas, puisse Clara avoir les reins assez solides pour encaisser).
Le Roi Soleil, 20 ans après, est-ce que la magie opère encore ? Pour moi, pas autant que je l’aurais voulu, mais c’est dur de lutter avec un souvenir parfois idéalisé. Musicalement, les artistes font bien le job, et les modifications du livret amènent ce second souffle attendu lorsqu’on remonte un spectacle si longtemps après, mais j’ai beaucoup de mal à dépasser l’aspect visuel qui pour moi est un incroyable downgrade. J’entends la volonté de moderniser et je comprends certains partis pris esthétiques mais le vide sidéral de l’absence de décors couplé aux costumes à tendance « panto » (la robe de La Voisin me filerait presque des cauchemars !!), pour moi c’est trop (et si vous ne savez pas ce qu'est une panto, je vous invite à lire cet article). Ironiquement, je trouve que ça manque de majesté. Peut être que pour celleux qui découvriront le spectacle pour la première fois, ça ne les choquera pas, mais pour les puristes, la pilule sera plus dure à avaler.
J’ai plusieurs dates prévues sur la tournée pour le moment, et j’y retournerai avec plaisir tout de même, car j’ai très envie de revoir le spectacle une fois que chacun.e sera bien installé.e dans son personnage et de voir comment iels les auront fait évoluer. Ca reste un incontournable dans les comédies musicales françaises et je ne peux qu'encourager à aller le voir !






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