Le Roi Soleil
- Caroline
- 28 juin 2022
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 oct. 2024

Spectacle de Dove Attia, Albert Cohen et Kamel Ouali
Année : 2005
Pays : France
Cast d'origine : Emmanuel Moire (Louis XIV), Anne Laure Girbal (Marie Mancini), Cathialine Andria (Mme de Maintenon), Lysa Ansaldi (Mme de Montespan), Christophe Maé (Monsieur, le frère du Roi), Merwan Rim (Le Duc de Beaufort), Victoria Petrosillo (Isabelle, la fille du peuple), Marie Lenoir (Anne d'Autriche/La Voisin), Pierre Forest (Mazarin/Molière)
En bref
Après un mouvement populaire réprimé par le Cardinal Mazarin et la Reine Anne d'Autriche, Louis XIV est amené à monter sur le trône. Peu enclin aux affaires de l'Etat, le jeune roi apprendra l'amour auprès de Marie Mancini dont il devra se séparer pour épouser l'infante d'Espagne. Au fil du temps, il collectionnera les maîtresses dont la sulfureuse Mme de Montespan qu'il finira par désavouer au profit de celle à qui il a attribué le titre de Mme de Maintenon.
Mon avis
Qui a pu échapper à la déferlante du Roi Soleil ? Il faut dire que ce spectacle bénéficiait d'arguments de taille : entre le duo Cohen/Attia, à l'oreille musicale sûre et la folie de Kamel, le tout associé à un budget conséquent, ce spectacle s'annonçait sous les meilleures auspices. Encore un spectacle qui a une place particulière dans mon coeur (promis, y'a pas que ça, je sais parler d'autre chose hein !), car il est associé à une des plus belles périodes de ma vie et m'a apporté des amies très proches que j'ai la chance d'avoir dans mon entourage encore aujourd'hui.
Parlons de l'histoire ou plutôt de l'Histoire ! Si vous êtes historien professionnel ou amateur, vous allez forcément grincer un peu des dents. L'Histoire a été fortement romancée, ne gardant que les aspects sentimentaux de la vie du Roi Soleil et ne s'attardant que très superficiellement finalement sur toutes les autres facettes. C'est un peu le défaut des comédies musicales gros budget de l'époque, il fallait une (ou des) histoire(s) d'amour pour que ça fonctionne, même si je conviens qu'il y a eu des exceptions comme Les Dix Commandements notamment. Gardons à l'esprit que ce spectacle, on y va pour la musique et le show, pas forcément pour prendre un cours d'Histoire !
Musicalement, l'ensemble fonctionne bien, même dans ses anachronismes et compte plusieurs tubes auxquels il était impossible d'échapper lorsqu'on mettait la radio en 2005-2006. Chaque personnage est parfaitement défini, identifiable aussi bien visuellement que musicalement et vocalement.

Emmanuel Dahl dans le rôle de Louis XIV - Les Arènes, Metz
Emmanuel Moire avait l'énorme tâche de porter sur ses épaules le rôle titre du spectacle. Un fardeau parfois lourd à porter et cela engendre quelques faiblesses sur certaines représentations. Heureusement, il pouvait se reposer sur une doublure de qualité, Emmanuel Dahl, dont l'interprétation est parfois meilleure que celle du titulaire, par exemple sur "Pour arriver à moi" notamment, plus dans sa tessiture. Je réécoute justement les albums du spectacle pour me replonger dans l'ambiance en réécrivant cet article et il semble tellement peu à l'aise sur ce morceau, je ne comprends pas pourquoi ils ne l'ont pas monté d'un ton ou d'un demi ton pour lui faciliter la tâche !
Anne Laure Girbal incarnait la princesse de conte de fées, Marie Mancini. Avec ses longs cheveux tressés et sa belle robe rose, elle enchante puis déchante, mais là aussi, de façon pas toujours très juste. Initiative intéressante néanmoins sur le live de faire intervenir le personnage sur le tableau "Encore du temps", le duo avec Victoria Petrosillo fonctionnant à merveille.
Vu sa carrière fulgurante, on en oublierait presque que c'est dans le Roi Soleil qu'a débuté Christophe Maé. Son grain de voix si particulier et l'exentricité de son personnage en faisaient rapidement l'un des favoris du public, au détriment même du rôle titre. Le Zébulon du show courait, valsait, virevoltait, mais pas systématiquement en live. Dommage. Un spectacle digne de ce nom demande une condition physique irréprochable pour arriver à assurer 6 à 8 shows par semaine et c'est peut être là que le bât blesse. Même si je n'ai pas du tout aimé son indélicatesse à faire sa promotion pour son album solo sur scène, Christophe restera l'élément comique indispensable apportant un peu de fraîcheur au spectacle.

Christophe Maé dans le rôle de Monsieur - Les Arènes, Metz
Le rôle de Lysa Ansaldi est celui de la méchante que tout le monde aime détester. Il est dommage d'avoir caricaturé les personnages de la Montespan et de la Maintenon à ce point et de les avoir réduites à cette vision si manichéenne de la méchante contre la gentille. Après, comme je l'ai dit, on n'est pas là pour prendre un cours d'Histoire ! Clairement, le rôle est plus voué à être un rôle de comédie qu'un rôle chanté. Les deux chansons interprétées ne cassent pas des briques au niveau difficulté, et Lysa faisait bien le job. Néanmoins, elle se révélait vraiment dans les scènes de comédie, passant de la femme dure et ambitieuse à la femme amoureuse et désespérée avec brio.
Cathialine Andria, par opposition donc, interprétait la gentille. Trop gentille à mon goût, trop mielleuse, trop nian nian ... C'est beau, c'est plein de bons sentiments, mais pas franchement vraisemblable (surtout quand on a lu quelques livres historiquement plus proches de la réalité) ! Une brebis égarée dans le monde impitoyable de la Cour du Roi, le trait est forcé pour renforcer l'antagonisme avec Mme de Montespan, un peu dommage, mais c'est le jeu !
Terminons avec les deux rebelles du spectacle. Merwan Rim interprétait un duc de Beaufort ténébreux, épris de liberté, en association avec la fille du peuple. Deux voix puissantes, vibrantes, qui fonctionnaient très bien ensemble et séparément. Isabelle la fille du peuple s'impose comme l'un des personnages forts du spectacle. A mon sens, au niveau des personnages féminins, elle tire de loin son épingle du jeu. Dommage qu'il y ait si peu de réelles interactions avec les autres personnages, on a l'impression de suivre leur histoire en parallèle de l'autre, sans pour autant qu'elles se rejoignent (non, je ne considère pas "Encore du temps" et "Entre ciel et terre" suffisants comme interaction !).

Victoria Petrosillo dans le rôle d'Isabelle - Les Arènes, Metz
Ajoutons à cela l'intervention de comédiens, qui donnaient du relief à l'histoire, le tout ne souffre d'aucune faiblesse sur le plan dramatique. Tous avaient suivi des cours de comédie, qu'ils ont bien assimilé et cela se ressent sur scène où le jeu semblait très naturel.
Niveau décors, ça brille de mille feux, tout est étudié, accessoirisé, minutieusement choisi ... C'est à la hauteur du faste de Versailles, de même que les costumes, chacun étant une oeuvre d'art à part entière. Bon, comme dans tout, y'a des fashion faux-pas, notamment l'espèce de chose moutonnante blonde portée par Christophe Maé à la fin du show (il n'a vraiment pas eu de bol sur ce coup !).
Chorégraphiquement, c'est du Kamel Ouali, avec ses qualités et ses défauts. Les danseurs sont plutôt bien intégrés à l'ensemble du spectacle et le chorégraphe mêle avec une facilité déconcertante les genres. Y'en a pour tous les goûts : les pointes sur Pour Arriver à moi, les breaks de hip hop sur la Lyric Box et même un revival de Michael Jackson en plein milieu d'Un geste de vous. MJ à la cour du Roi, il fallait oser, Kamel l'a fait !
Je voudrais aussi revenir sur la gestion de la publicité du spectacle, qui a été je trouve très intelligente. L'ordre des singles était judicieux : "Etre à la hauteur", interprété par le rôle titre, pour planter le décor autour de lui, mais permettant sur le dernier refrain d'introduire néanmoins toute la troupe. Puis "Mon essentiel", le single romantique pour accrocher le public et montrer que ce ne sera pas qu'un cours d'histoire, mais que ça va parler d'amour. Enfin, "Tant qu'on rêve encore", qui permettait à nouveau à l'ensemble de la troupe de faire les plateaux TV pour les promos. Le premier single, sorti presque 1 an avant la première, a permis au public de se familiariser avec les interprètes avant d'aller découvrir le spectacle en salles. Et puis par la suite, constatant la popularité croissante de Christophe Maé, ils ont su prendre le virage en le mettant en avant et en sortant "Ca marche" en single.
Le seul semi faux-pas a été pour moi l'orchestre live sur la seconde saison. L'idée était géniale, et pour avoir assisté à une représentation avec l'orchestre, cela donnait une toute autre dimension aux morceaux. Mais il est extrêmement dommage que seules les dates parisiennes aient pu en bénéficier, la seconde tournée s'étant faite avec la PBO.
Question merchandising, ils ont été très forts également. Au total seront sortis au moins 5 CD avec les chansons du spectacle, et pour faire acheter les nouvelles éditions, même aux gens qui avaient les anciennes, ils rajoutaient toujours quelque chose d'inédit, que ce soit des chansons (même si on attend encore la version duo de "Encore du temps" ...) ou des bonus DVD, voire même de nouvelles versions comme l'album "De Versailles à Monaco". Vous pouvez constater que cette technique a très bien fonctionné avec moi, puisque j'en ai 3 sur les 5 !!

L'époque 2005-2007, c'était aussi le début puis l'essor des forums et des skyblogs. En marge du forum officiel, des dizaines et des dizaines de forums se sont créés sur les artistes de la troupe, qu'ils soient chanteurs, doublures ou danseurs. Si seul l'officiel était en lien avec la production, tous ont contribué à leur manière au succès du spectacle et à l'effervescence qui s'était créée autour de lui.
Une musique bossée, des chorégraphies efficaces, des chanteurs/comédiens qui tiennent plutôt bien la route, des décors et des costumes dignes d'un film, je crois qu'on a là tous les ingrédients réunis pour faire un succès. Mais au delà de tout ça, ce spectacle a réussi à fédérer une fanbase colossale qui a fait son succès comme peu d'autres shows par la suite (le seul capable de rivaliser auquel je pense étant "Mozart l'opéra rock") et je me suis toujours interrogée sur qu'est ce qui a pu être le catalyseur et faire que la mayonnaise prenne à ce point. Je miserais sur la cohésion de la troupe, dans laquelle il avait l'air de régner une très bonne ambiance globalement. On ne peut nier que ce spectacle avait quelque chose "en plus", et c'est sûrement pour ça que nous sommes si nombreux à espérer un retour. Bon, c'est loupé pour les 10 ans et pour les 15, mais pourquoi pas pour les 20 ? Messieurs Cohen et Attia, on vous attend !!
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